Psycho-Philo

Vincent De Gaulejac

Les sources de la honte

La honte est une souffrance d'autant plus forte que par nature on en parle peu.

Il y a l'humiliation qui amène à taire les violences subies, à se replier sur soi-même, à cultiver un sentiment d'illégitimité, à se vivre comme un « moins que rien ».

Il y a la gêne éprouvée face à la honte d'autrui, qui conduit, le plus souvent, à une mise à distance, à un refus d'entendre ce qui dérange. L'écoute de celui ou celle qui a honte est difficile.

Ces deux attitudes se complètent et se renforcent. La gêne des uns contribue au rejet des autres et au silence de tous.

Cet ouvrage brise ce cercle du silence en favorisant une meilleure compréhension, une meilleure écoute des multiples facettes de la honte. Derrière celle-ci se cachent des trésors d'amour, de sensibilité et d'humanité qui n'arrivent pas à s'exprimer. Comprendre, écouter, dire la honte, c'est s'affranchir d'une partie de la souffrance qu'elle provoque

Patrick Declerck

Les naufragés

Nous les côtoyons tous les jours. Souvent ils sont soûls et peinent à mendier. Ils sentent mauvais, vocifèrent et font un peu peur. Nos regards se détournent. Qui sont ces marginaux aux visages ravagés ? Ce sont les clochards. Fous d'exclusion. Fous de pauvreté. Fous d'alcool. Et victimes surtout. De la société et de ses lois. Du marché du travail et de ses contraintes. Mais au-delà, c'est contre la vie même qu'ils se révoltent. Hallucinés, ivres, malades, c'est un autre et impossible ailleurs dont ils s'obstinent à rêver furieusement.
Patrick Declerck, psychanalyste et ethnologue, a suivi la population des clochards de Paris durant plus de quinze ans : dans la rue, dans les gares, dans les centres d'hébergement, au centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, au Samu social. En 1986, dans le cadre de Médecins du monde, il a ouvert la première consultation d'écoute destinée aux SDF en France.
Patrick Declerck, né à Bruxelles en 1953, philosophe de formation, docteur en anthropologie de l'École des hautes études en sciences sociales, est psychanalyste, membre affilié de la Société psychanalytique de Paris.
Il a publié divers articles ethnologiques et psychanalytiques (Temps modernesEsprit...) sur la désocialisation, l'errance et l'alcoolisme

Jacques Lacan

Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse

L’hospitalité reçue de l’École normale supérieure, un auditoire très accru indiquaient un changement de front de notre discours.

Pendant dix ans, il avait été dosé aux capacités des spécialistes ; sans doute seuls témoins recevables de l’action par excellence que leur propose la psychanalyse, mais, aussi bien, que les conditions de leur recrutement laissent très fermés à l’ordre dialectique qui gouverne notre action.

Nous avons mis au point un organon à leur usage, en l’émettant selon une propédeutique qui n’en avançait aucun étage avant qu’ils aient pu mesurer le bien-fondé du précédent.

C’est la présentation que nous devons renverser, nous parut-il, trouvant dans la crise moins l’occasion d’une synthèse que le devoir d’éclairer l’abrupt du réel que nous restaurions dans le champ légué par Freud à nos soins

Joyce Macdougall

Plaidoyer pour une certaine anormalité

À ceux, aujourd'hui nombreux, qui ne voient dans la psychanalyse que la forme moderne de l'effort pour "normaliser" toute expression déviante, ce livre apporte une double réponse. D'une part, il existe une "suradaptation" à la réalité dont seule l'expérience analytique révèle la misère psychique sous-jacente. D'autre part, les "déviations" les plus aberrantes témoignent, quand on parvient à en reconstruire le scénario inconscient, d'une créativité remarquable. S'il est rare d'entendre des psychanalystes plaider pour une certaine anormalité, c'est qu'il est rare aussi d'en rencontrer qui consentent à mettre en question, au-delà même de leur savoir et de leur méthode, leur identité d'analyste. Or c'est aux "cas" qui ébranlent celle-ci que s'intéresse plus particulièrement Joyce McDougall : les patients qui, pour être différents du "bon névrosé classique", sont trop rapidement étiquetés comme caractériels, pervers, narcissiques, psychosomatiques. En fait, pour peu qu'on sache aller au-devant de leur souffrance, ils portent l'analyste aux limites de l'analysable, du représentable, du narrable. C'est sur ce terrain, où il faut sans cesse inventer pour comprendre, que nous conduit l'auteur, avec une exceptionnelle liberté de pensée et de style

Serge Leclaire

Psychanalyser. Essai sur l'ordre de l'inconscient et la pratique de la lettre

Psychanalyser serait facile autant que dérisoire si l'on enseignait seulement au patient l'existence des complexes d'Œdipe et de castration, en feignant de découvrir avec lui qu'il a, enfant, désiré son père ou sa mère, et craint d'en être châtié. La singularité du désir s'inscrit dans l'universalité de ces structures ; mais elle reste à découvrir pour chacun. Ce n'est pas seulement dans l'anecdote du souvenir oublié ou les particularités du roman familial que se repère la constellation originale, mais plutôt dans un chiffre, une formule, une lettre, modèles de l'organisation fantasmatique

Serge Leclaire

Démasquer le réel

Le réel ne peut se saisir : il se donne en se dérobant comme angoisse ou comme jouissance. L'ordre des choses (ce qu'on appelle : la réalité) s'établit en masquant le réel, que les différents discours s'emploient à contenir. Sauf celui de la psychanalyse. Car un sceau consacre le dérobement du réel : c'est l'objet de la pulsion tel que la psychanalyse l'a tôt reconnu et tel que J. Lacan l'a conceptualisé comme objet a. Pour démasquer le réel, le psychanalyste doit repérer cet objet - encore plus sûrement qu'il ne doit savoir manier la lettre. A partir de trois observations, et au long du texte d'un semestre d'enseignement à Vincennes, une question s'impose ainsi comme une suite à celle de Psychanalyser : "être psychanalyste" n'est-ce pas, en définitive, tenir compte du réel ?

Sándor Ferençzi

Journal clinique

Bouleversant, violent, génial, ce «Journal clinique», qui tient du journal intime, est le livre-testament de Ferenczi. Ecrit entre janvier et octobre 1932, quelques mois avant sa mort, parcouru de fulgurances théoriques et thérapeutiques, il contient tous les thèmes qui rendent ce psychanalyste - l'un des plus novateurs et créatifs de l'histoire - si actuel, notamment le traumatisme, l'enfant dans l'adulte, le masochisme, les addictions... Avec à chaque fois une telle empathie, une telle humanité qu'on peut dire que Ferenczi fut probablement celui qui introduisit la bienveillance dans la psychanalyse.

Albert Camus

L'absurde (Le mythe de Sisyphe)

"Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide." Avec cette formule foudroyante, qui semble rayer d'un trait toute la philosophie, un jeune homme de moins de trente ans commence son analyse de la sensibilité absurde. Il décrit le "mal de l'esprit" dont souffre l'époque actuelle : "L'absurde naît de la confrontation de l'appel humain avec le silence déraisonnable du monde."

Sigmund Freud

Malaise dans la culture

« "L'homme est un loup pour l'homme" ; qui donc, d'après toutes les expériences de la vie et de l'histoire, a le courage de contester cette maxime ? »« Sombre tableau, Malaise a la couleur de son temps ; la haine, l'agression, l'auto-anéantissement en donnent le ton psychanalytique. Sinistre présage, Freud dépose son manuscrit chez l'imprimeur en novembre 1929, tout juste une semaine après le "mardi noir" de Wall Street (29 octobre). Les derniers mots de la première édition conservaient malgré tout un vague espoir dans les effets de l'"Eros éternel", le grand rassembleur. Un an plus tard, lors de la seconde édition — les 12 000 premiers exemplaires ont été rapidement vendus, Freud est devenu un homme célèbre —, la dernière phrase ajoutée assombrit la perspective : entre les deux adversaires, Eros et la pulsion de mort, "qui peut présumer du succès et de l'issue ?" » (Extrait de la préface)

Sigmund Freud

La question de l'analyse profane

« L'utilisation de l'analyse pour la thérapie des névroses n'est qu'une de ses applications ; peut-être l'avenir montrera-t-il que ce n'est pas la plus importante. »Sigmund FreudEn 1926, la psychanalyse est reconnue comme un procédé thérapeutique qui a fait ses preuves. Cependant, à Vienne, on veut interdire à un non-médecin, Theodor Reik, de l'exercer. Freud intervient dans le débat avec ce texte-manifeste qui resitue la psychanalyse dans sa perspective historique. Il y est question non seulement de l'analyse profane, mais aussi de la théorie du moi et de sa fonction dans l'appareil psychique. La discussion se poursuivra sur tous ces problèmes avec les élèves de Freud en Europe et en Amérique.

Michel Foucault

Herméneutique du sujet

Dans le cours qu’il consacre en 1982 à l’ Herméneutique du sujet, Michel Foucault présente une enquête sur la notion de « Souci de soi », qui, bien plus que le fameux « Connais-toi toi-même », organise les pratiques de la philosophie. Il s’agit de montrer selon quelles techniques, quelles procédures et quelles finalités historiques un sujet éthique se constitue, dans un rapport à soi déterminé.

Ces études débordent le cadre de la stricte histoire de la philosophie. En décrivant le mode de subjectivation antique, Michel Foucault cherche à rendre éclatante la précarité du mode de subjectivation moderne. En relisant les Anciens, il nous permet de nous interroger sur notre identité de sujet moderne. Tout son travail consiste à nous rendre davantage étrangers à nous-mêmes, en montrant l’historicité de ce qui pouvait sembler le plus anhistorique : la manière dont, comme sujets, nous nous rapportons à nous-mêmes

François Roustang

La fin de la plainte

Que cherche un patient qui vient voir un thérapeute ? Il s'épanche, il se plaint, il dit vouloir changer. Mais comment faire ? C'est la question que se pose tout thérapeute et aussi chacun de nous, dès qu'il est confronté à une grande douleur, à une perte, dès qu'il en a assez. Comment faire ? Gémir, ruminer, récriminer ? Chercher une écoute, une consolation pour mieux patauger dans nos problèmes ? Non, répond François Roustang. Il faut au contraire en finir avec la plainte, sortir de notre moi chéri que nous cultivons à coups de jérémiades. À cette condition, nous pourrons vraiment refondre notre existence pour nous ouvrir enfin au monde et aux autres. Philosophe et psychanalyste de formation, praticien original, François Roustang est sans doute celui qui s'interroge avec le plus de force critique sur le sens et l'effet des thérapies. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages désormais classiques, comme Un destin si funeste, Qu'est-ce que l'hypnose ? et Comment faire rire un paranoïaque ?

Roland Gori

La dignité de penser

Cet ouvrage démontre magistralement combien notre société est vampirisée par les chiffres, la norme et l'obsession de la performance. Relations sociales, économie, santé mentale, jamais nous nous sommes autant affranchis de l'humain - cette aptitude à accepter et sublimer sa vulnérabilité -, du psychisme, du respect de soi et des autres. Un essai remarquable qui déconstruit notre monde et pose la question de l'urgence de retrouver le sens du récit, c'est-à-dire notre capacité à penser et imaginer, hors de la soumission à l'ordre dominant de la technique et de la marchandise. Par l'auteur de «De quoi la psychanalyse est-elle le nom ?» (Denoël) et initiateur de «L'Appel des appels» (Mille et une nuits)

Jean Oury

Le collectif, le séminaire de St Anne

Pourtant «Rome brûle» ; mais parce que, comme le dit le poète, «elle brûle tout l'temps», il faut bien continuer à penser, parler, écrire, témoigner, tout cela parfois dans la honte ; le rouge au front - au front de la folie - comme notre cher Tosquelles empoignant celle-ci au plus près des affrontements sanglants de la guerre civile d'Espagne. Car c'est là, des leçons de cette guerre, qu'il a bien fallu penser les rapports entre l'État et ses institutions d'État, ses «établissements», et le tissu d'institutions, les associations, amicales, clubs, syndicats, mutuelles, que dire encore !, créées pour être près du «singulier», de l'être cheminant

Michel Foucault

Le courage de la vérité

Foucault intitula ses deux dernières années de cours au Collège de France « Le courage de la vérité ». Ces cours se présentent comme des études historiques sur la notion de parrhêsia, c'est-à-dire le franc-parler, le dire-vrai, dans la culture grecque, des tragiques aux cyniques en passant par les philosophes politiques. Ce noeud du courage et de la vérité aura sans doute constitué pour Foucault un élément fondamental de son oeuvre et de sa vie : voilà ce que les études réunies dans ce volume tentent de montrer. Foucault n'est pas philosophe et militant, érudit et résistant, il est historien parce que militant, résistant et érudit, l'écriture et l'action sont « une même chose ». Foucault est un penseur engagé dans une actualité politique, c'est l'exigence de vérité